L’Iran a annoncé l’activation d’un nouveau site d’enrichissement d’uranium, quelques jours seulement après avoir été formellement censuré par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour non-respect de ses obligations de garanties nucléaires. Cette initiative aggrave les tensions déjà vives entre Téhéran et l’Occident, et remet en question les perspectives de solutions diplomatiques concernant les ambitions nucléaires iraniennes.
Contexte : L’AIEA adresse une censure officielle à l’Iran
Le 12 juin 2025, le Conseil des gouverneurs de l’AIEA a adopté une résolution déclarant que l’Iran ne respecte pas ses engagements nucléaires, pour la première fois depuis 2012. Cette résolution, soutenue par les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, a été approuvée par 19 voix pour, 3 contre et 11 abstentions.
La censure fait suite à l’incapacité de l’Iran à fournir des explications satisfaisantes sur la présence de traces d’uranium sur des sites non déclarés. Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, a souligné que l’Iran n’a pas seulement manqué de clarifier ces questions, mais a également restreint de manière significative l’accès de ses installations aux inspecteurs internationaux.
Grossi a averti que la situation est critique : l’Iran continue d’enrichir de l’uranium à 60 % de pureté — proche du niveau militaire — tandis que ses stocks augmentent rapidement. L’impossibilité de vérifier l’intention pacifique du programme iranien suscite une vive inquiétude internationale.
Réaction stratégique de l’Iran
Moins de 48 heures après la censure, l’Iran a annoncé le lancement des préparatifs pour un troisième site d’enrichissement d’uranium. Selon l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran (OEAI), ce site sécurisé et « invulnérable » — dont l’emplacement reste secret — abritera des centrifugeuses avancées de type IR-6.
Cette annonce est largement perçue comme un geste de défi à l’égard des puissances occidentales. Téhéran affirme que son programme nucléaire reste pacifique et relève de ses droits souverains.
Modernisation du site d’enrichissement de Fordow
En parallèle, l’Iran a confirmé des améliorations importantes sur son site souterrain de Fordow, près de Qom. Enterrée sous une montagne, l’installation est désormais équipée de centrifugeuses IR-6 plus performantes.
Les autorités iraniennes ont indiqué que l’enrichissement à 60 % y a repris, avec le remplacement de nombreuses centrifugeuses de première génération. Selon l’OEAI, ces améliorations permettront de multiplier par sept la capacité de production du site.
Ces actions creusent davantage le fossé entre l’Iran et les pays signataires de l’accord sur le nucléaire de 2015 (JCPOA), dont la relance semble désormais compromise.
Conséquences diplomatiques et régionales
Tensions avec les puissances occidentales
L’annonce du nouveau site a suscité de vives réactions en Europe et aux États-Unis. Dans une déclaration conjointe, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni (le groupe E3) ont condamné l’escalade iranienne et averti qu’un retour aux sanctions de l’ONU pourrait être envisagé.
Les États-Unis ont également mis en garde contre les conséquences de cette stratégie, envisageant un renvoi du dossier devant le Conseil de sécurité de l’ONU si l’Iran persiste à violer ses engagements.
Impact sur les négociations nucléaires
Cette escalade survient alors que des négociations indirectes entre les États-Unis et l’Iran doivent reprendre à Oman. Bien que ces discussions offraient une lueur d’espoir diplomatique, la nouvelle annonce de Téhéran risque de compromettre le processus.
Le Département d’État américain a qualifié le moment choisi par l’Iran de « profondément préoccupant », soulignant qu’aucune avancée diplomatique n’est possible tant que l’enrichissement se poursuit et que l’accès aux inspecteurs reste limité.
Risques pour la sécurité régionale
L’expansion du programme nucléaire iranien a alarmé plusieurs pays du Moyen-Orient. Israël a réagi avec force, affirmant que toutes les options restent sur la table pour empêcher l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire.
Des analystes militaires estiment qu’Israël pourrait envisager des frappes préventives si certains seuils d’enrichissement sont franchis. En prévision d’un conflit, les États-Unis ont provisoirement relocalisé du personnel militaire dans la région.
Les responsables iraniens ont, quant à eux, promis des représailles « sévères et écrasantes » en cas d’agression contre leurs installations.
Aperçu technique du nouveau programme
Le rôle des centrifugeuses IR-6
L’installation des centrifugeuses IR-6 représente une avancée technologique majeure. Beaucoup plus efficaces que les modèles IR-1, elles permettent un enrichissement plus rapide et plus pur. Le nouveau site sera entièrement dédié à ces machines.
Les IR-6 peuvent fonctionner en cascades allant jusqu’à 164 unités, et l’Iran prévoit d’en installer plusieurs pour accélérer le processus. Ces centrifugeuses sont désormais également utilisées à Natanz, ce qui renforce le réseau d’enrichissement iranien.
Stocks d’uranium et potentiel militaire
D’après le dernier rapport de l’AIEA, l’Iran possède plus de 250 kg d’uranium enrichi à 60 %. Or, selon les experts, il suffit de 42 kg de ce type d’uranium pour produire une bombe nucléaire, s’il est enrichi à 90 %.
Cela signifie que l’Iran pourrait déjà disposer de la matière nécessaire pour fabriquer plusieurs armes, s’il en décidait ainsi. Toutefois, Téhéran continue de nier toute volonté militaire, invoquant un décret religieux interdisant les armes nucléaires.
Déclarations officielles iraniennes
Les autorités iraniennes maintiennent que toutes leurs activités sont conformes au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l’OEAI, a déclaré :
« Nous agissons dans le cadre de nos droits légaux. Ce nouveau site renforce nos capacités pacifiques et assure la sécurité de notre infrastructure nucléaire face aux menaces extérieures. »
Le ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a dénoncé la résolution de l’AIEA comme étant « politiquement biaisée et contre-productive ». Il a affirmé que de telles pressions ne feront qu’aggraver la méfiance et nuire à tout espoir de relancer l’accord nucléaire.
Réactions internationales et divergences diplomatiques
Les pays occidentaux
Les gouvernements occidentaux ont critiqué l’Iran, bien que leurs réactions diffèrent en intensité. Les États-Unis et le groupe E3 ont demandé des mesures correctives immédiates, tandis que la Russie et la Chine ont adopté une position plus modérée.
Moscou et Pékin, qui se sont abstenus lors du vote de l’AIEA, ont appelé à poursuivre le dialogue et critiqué ce qu’ils considèrent comme des « mesures provocatrices » de la part de l’Occident.
Les pays non-alignés
Des nations comme l’Inde et l’Afrique du Sud ont appelé à la retenue. Selon elles, la crise actuelle résulte d’une rupture de confiance et devrait être résolue par des moyens diplomatiques plutôt que par des sanctions.
Quelle suite possible ?
Retour à la diplomatie ou isolement accru ?
Avec la reprise des négociations prévue à Oman, la communauté internationale reste attentive. L’Iran cherche-t-il simplement à renforcer sa position en amont des discussions, ou s’oriente-t-il vers une confrontation durable ?
Certains analystes estiment que Téhéran veut obtenir un levier en démontrant ses capacités. Mais cette stratégie pourrait aussi faire échouer les négociations et relancer des sanctions, voire une escalade militaire.
Confrontation au Conseil de sécurité ?
Si l’Iran ne revient pas sur ses activités et n’autorise pas un accès complet à l’AIEA, les États-Unis et leurs alliés européens pourraient saisir le Conseil de sécurité. Cela ouvrirait la voie à de nouvelles sanctions multilatérales.
Mais une telle initiative se heurterait sans doute à l’opposition ou à la prudence de la Russie et de la Chine, ce qui compliquerait toute action concertée.
Risque de conflagration régionale
Le risque le plus pressant demeure celui d’un conflit militaire par erreur ou par calcul mal évalué. Avec Israël en état d’alerte, les forces américaines repositionnées et l’Iran adoptant un ton intransigeant, la situation est extrêmement tendue.
Toute attaque contre des installations iraniennes, ou toute riposte de Téhéran, pourrait embraser la région, avec des conséquences dramatiques pour la stabilité mondiale et les marchés énergétiques.
La décision de l’Iran d’activer un nouveau site d’enrichissement marque un tournant majeur dans sa confrontation avec l’Occident. Elle s’inscrit en réaction directe à la censure de l’AIEA et traduit la volonté de Téhéran d’affirmer ses droits nucléaires, avec ou sans l’approbation internationale.
Alors que les stocks augmentent, que les inspections sont limitées et que la diplomatie s’essouffle, le monde se retrouve face à une situation aussi familière que dangereuse. Les prochaines semaines seront décisives pour savoir si la voie du dialogue reste ouverte, ou si la confrontation est inévitable.