Bruxelles, 14 juin 2025 – Dans une intervention virulente, Marc Botenga, député belge au Parlement européen et membre du groupe de la Gauche (GUE/NGL), a accusé l’Union européenne de défendre les intérêts géopolitiques américains en augmentant son budget militaire et en poursuivant la vente d’armes à Israël. Ses propos ont relancé le débat sur l’orientation de la politique étrangère de l’UE, sa responsabilité éthique et sa crédibilité sur la scène internationale.
Selon Botenga, la posture actuelle de l’Union européenne vis-à-vis d’Israël, combinée à l’augmentation des dépenses militaires, démontre clairement que « l’Europe s’arme pour les États-Unis » plutôt que d’agir en tant que puissance indépendante et fondée sur des principes.
L’Europe s’arme — Un tournant vers la militarisation
L’Union européenne a dévoilé l’initiative de défense la plus ambitieuse de ces dernières décennies, avec un plan de financement allant de 150 à 840 milliards d’euros. Ce programme inclut l’achat commun d’armements, l’amélioration de la mobilité militaire et la coordination de la production d’armes entre États membres. Officiellement, cette stratégie vise à renforcer l’autonomie stratégique de l’UE, dans un contexte d’instabilité mondiale croissante.
Objectifs stratégiques derrière la montée en puissance militaire
Des analystes géopolitiques estiment que cette stratégie découle des inquiétudes européennes face au désengagement américain de l’OTAN, à la guerre en Ukraine, ainsi qu’aux menaces régionales émanant du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Mais pour Botenga et d’autres critiques, cette approche renforce en réalité la dépendance de l’Europe à l’égard du complexe militaro-industriel américain.
Selon lui, cette augmentation massive des dépenses militaires ne vise pas l’indépendance, mais bien une forme de soumission : « Nous ne construisons pas l’autonomie, nous finançons la prochaine guerre aux côtés des États-Unis. »
D’autres voix dénoncent également un détournement de ressources, au détriment des investissements dans le social et l’environnement — deux priorités majeures pour les citoyens européens.
Les critiques de Botenga — Ventes d’armes à Israël et hypocrisie sur les droits humains
Le discours de Marc Botenga a surtout visé les relations militaires entre l’UE et Israël, dans le contexte de la guerre à Gaza. Il accuse l’Union de soutenir indirectement les opérations militaires israéliennes en continuant à fournir des armes et des technologies, alors même que des instances juridiques internationales enquêtent sur des accusations de génocide.
Transferts d’armes et Accord d’association UE-Israël
Botenga a mis en lumière deux aspects problématiques : les transferts d’armements et le maintien de l’accord d’association avec Israël.
Il a d’abord dénoncé l’exportation continue d’armes par plusieurs pays européens vers Israël, malgré l’ampleur des pertes civiles documentées à Gaza. « Ce n’est pas de la neutralité, c’est de la complicité dans un génocide », a-t-il affirmé, ajoutant que bon nombre de ces armes sont probablement utilisées contre des hôpitaux, écoles et infrastructures civiles.
Il a ensuite critiqué le maintien de l’accord d’association UE-Israël, qui accorde un statut commercial préférentiel à Israël, sous condition du respect du droit international humanitaire — une condition, selon lui, systématiquement violée.
« L’Union européenne doit suspendre cet accord immédiatement. Si nous voulons défendre les droits humains, nous ne pouvons pas ignorer un génocide sous prétexte qu’il est politiquement dérangeant », a-t-il déclaré.
La diplomatie continue — Des rencontres avec les dirigeants israéliens
Botenga a également fustigé les dirigeants de l’UE pour avoir poursuivi des relations diplomatiques avec le gouvernement israélien, y compris avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu, visé par des procédures à la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour internationale de Justice (CIJ).
Il dénonce une hypocrisie manifeste : « Comment pouvons-nous accueillir un dirigeant accusé de crimes de guerre tout en prétendant défendre le droit international ? »
Les visites de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et d’autres hauts responsables européens en Israël ont suscité de vives critiques de la part de citoyens et d’organisations de défense des droits humains. Selon Botenga, ces rencontres offrent à Israël une légitimité de fait à un moment où la communauté internationale devrait exiger des comptes.
Deux poids, deux mesures — Ukraine vs Gaza
Un point central du discours de Botenga réside dans le double standard entre la réponse européenne à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et celle face à la guerre menée par Israël à Gaza.
« Quand la Russie a envahi l’Ukraine, l’UE a condamné l’agression, envoyé des armes à l’Ukraine et imposé des sanctions à Moscou », a-t-il rappelé. « Mais quand Israël bombarde Gaza et commet des atrocités, il n’y a ni sanctions, ni embargo, ni pression diplomatique. »
Selon lui, cette approche sélective détruit la crédibilité morale de l’Union : « Si nous appliquons le droit international de façon incohérente, nous perdons toute légitimité. »
Un tel traitement différencié, ajoute-t-il, envoie un message dangereux : que certaines vies valent plus que d’autres selon les intérêts géopolitiques.
Des appels à des mesures concrètes — Sanctions et cessez-le-feu
Au-delà des critiques, Marc Botenga a présenté une série de mesures concrètes que l’Union européenne devrait, selon lui, adopter sans délai pour retrouver sa crédibilité :
- Suspendre toutes les exportations d’armes vers Israël, ainsi que le transit d’armes via les États membres ;
- Mettre fin à l’accord d’association UE-Israël pour non-respect de la clause relative aux droits de l’homme ;
- Imposer des sanctions ciblées (interdictions de visas, gels d’avoirs) contre les responsables et entreprises israéliens impliqués dans des crimes de guerre ;
- Soutenir officiellement les enquêtes de la CIJ et de la CPI sur la conduite israélienne à Gaza ;
- Reconnaître et soutenir la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël devant la CIJ pour génocide présumé.
« Ce ne sont pas des propositions radicales — elles relèvent simplement du respect du droit », a martelé Botenga. « On ne peut pas laisser l’impunité régner sous prétexte qu’Israël est un allié. »
Mobilisation citoyenne et protestations
Marc Botenga a salué la mobilisation croissante de la société civile contre la complicité européenne dans la guerre à Gaza. Dans plusieurs capitales européennes, des dizaines de milliers de manifestants ont réclamé la fin des ventes d’armes à Israël et un cessez-le-feu immédiat.
Des étudiants, notamment à Paris, Berlin, Madrid ou Bruxelles, ont installé des campements de protestation, malgré des interventions policières. Certains eurodéputés ont rejoint ces manifestations.
« Ces jeunes comprennent les enjeux. Ils voient l’hypocrisie et la dénoncent. Cela me donne de l’espoir », a-t-il déclaré.
Il a aussi cité le soutien des syndicats et des agriculteurs, qui boycottent les produits israéliens et font pression sur leurs gouvernements.
Enjeux plus larges — Le triangle Europe, États-Unis, Israël
L’intervention de Botenga met en lumière un dilemme stratégique majeur pour l’Union : doit-elle agir comme un bloc autonome fondé sur des valeurs ou rester un partenaire subordonné aux intérêts américains ?
Bien que certains présentent la montée en puissance militaire comme une réponse à l’instabilité, Botenga y voit une dangereuse soumission aux intérêts des États-Unis au Moyen-Orient, dans la continuité de l’interventionnisme occidental.
Il a souligné que la majorité des fonds européens de défense pourraient, au final, bénéficier à des entreprises militaires américaines, puisque de nombreux États membres achètent des armes américaines.
« Nous finançons l’hégémonie américaine tout en ignorant les besoins de nos propres citoyens », a-t-il affirmé.
Il a également dénoncé le soutien européen à des entreprises israéliennes actives dans la surveillance, l’intelligence artificielle et l’armement via des financements de recherche de l’UE, accentuant l’implication de l’Europe dans la militarisation israélienne.
Réactions des institutions européennes
Malgré l’ampleur des réactions médiatiques et sur les réseaux sociaux, les institutions européennes ont gardé le silence. Aucune déclaration n’a été émise par la Commission européenne ou Ursula von der Leyen.
Toutefois, des sources au Parlement européen indiquent que les propositions de Botenga gagnent du terrain au sein des groupes de la Gauche et des Verts. Un débat sur l’accord UE-Israël et la légalité des exportations d’armes pourrait avoir lieu dans les semaines à venir.
Des ONG, juristes et anciens diplomates appellent également à une révision urgente de la politique européenne en matière de commerce d’armes et de relations diplomatiques avec Israël.
La critique frontale de Marc Botenga met à nu les contradictions fondamentales des politiques étrangères et de défense de l’Union européenne. En accusant l’UE de « s’armer pour les États-Unis » tout en fournissant des armes à un pays sous enquête pour génocide, il interpelle l’Union sur sa véritable identité : est-elle un projet fondé sur les valeurs démocratiques ou le bras armé d’intérêts occidentaux ?
Alors que les dirigeants européens défendent leurs choix, la pression de la société civile, des instances juridiques et de la communauté internationale ne cesse de croître. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si l’Europe choisira la complicité — ou le courage.