Stable, mais pas lent : comment l’économie chinoise se reconfigure pour plus de résilience

Dr. Imran Khalid
Crédit: AFP

Il est facile de passer à côté des révolutions silencieuses. Celles qui ne s’accompagnent ni de feux d’artifice ni de fanfare, mais qui avancent avec constance, portées par des mains sûres en pleine tempête. Alors que la première moitié de 2025 s’achève, la Chine offre précisément ce type de récit — un contrepoint aux secousses économiques et aux répercussions géopolitiques qui secouent une grande partie du monde. Avec une croissance annuelle de 5,3 % et une production totale atteignant 66,05 trillions de yuans, la Chine ne fait pas que rebondir : elle se réoriente.

Autrefois, les chiffres de la croissance chinoise ressemblaient à un électrocardiogramme dopé : 9 %, 10 %, voire plus. Le monde s’est habitué à cette ascension spectaculaire, et, peut-être de manière injuste, a commencé à évaluer le succès chinois uniquement à travers la vitesse. Mais si, aujourd’hui, l’histoire n’était plus une question de rapidité, mais de stabilité ? Non pas de rythme effréné, mais de transformation mesurée ?

C’est ce que laisse entrevoir 2025. La trajectoire économique de la Chine cette année ressemble moins à un sprint qu’à une marche stratégique — marquée par l’équilibre, la retenue et une vision de long terme.

Comment la croissance chinoise est-elle répartie entre les différents secteurs ?

La croissance en Chine n’est pas monolithique. Elle est mosaïque.

Le secteur primaire — souvent négligé dans les analyses focalisées sur la technologie et l’industrie — a progressé de 3,7 %, soutenu par la revitalisation rurale et un retour de l’attention portée à la sécurité alimentaire. Au milieu des gratte-ciel et des semi-conducteurs, il ne faut pas oublier que la Chine comprend toujours la puissance politique du grain.

Le secteur secondaire a crû de 5,3 %, grâce aux investissements dans les infrastructures et à une transition industrielle vers l’innovation. Plus révélateur encore est l’expansion de 5,5 % dans le secteur tertiaire. Les services représentent désormais plus de 56 % du PIB — un changement silencieux mais monumental, révélant une civilisation qui s’adapte à elle-même.

Les plateformes de santé numérique, le commerce en direct, et le mouvement culturel Guochao (« China-chic ») ne sont pas que des modes passagères. Ils incarnent une transition consciente d’un modèle basé sur l’exportation vers un moteur de croissance alimenté par la consommation intérieure et la confiance culturelle. À Hangzhou et Chengdu, la nouvelle classe moyenne ne se contente pas d’acheter — elle croit.

Quelle est la réponse de la Chine face à l’incertitude mondiale ?

Tout cela se déroule dans un climat d’incertitude mondiale renouvelée.

Les États-Unis, tout juste après l’élargissement en juillet des droits de douane visant les importations technologiques chinoises, ont intensifié leur rhétorique de découplage. La campagne renouvelée “Fair Trade Now” a durci le ton de Washington, avec des répercussions visibles de l’autre côté du Pacifique. Pourtant, la réponse de Pékin reste calibrée, non conflictuelle.

Plutôt que de riposter bruyamment, la Chine a choisi la nuance — en élargissant discrètement les corridors commerciaux via le Partenariat régional économique global (RCEP), en renforçant les connexions avec l’Europe grâce aux initiatives ferroviaires et portuaires, et en augmentant les investissements vers l’Asie du Sud-Est. Selon les données douanières de juillet, les exportations vers l’ASEAN ont augmenté de 7,4 % au premier semestre 2025, compensant un recul de 9,2 % vers les États-Unis.

Ce n’est pas une capitulation — c’est une réorientation. Pékin ne tourne pas le dos à la mondialisation ; elle redessine ses cartes. La Ceinture et la Route, autrefois grand titre, est désormais davantage infrastructure que doctrine — transportant marchandises, énergie et données dans un réseau moins centré sur l’Occident.

Quels secteurs industriels chinois se démarquent en 2025 ?

Les chiffres de la production industrielle de juin parlent d’eux-mêmes : une hausse de 6,8 %, avec l’industrie de haute technologie en vedette.

Les véhicules électriques, la robotique industrielle, les processeurs IA et les cellules solaires connaissent un essor. BYD et CATL, autrefois champions locaux, sont désormais acteurs mondiaux, signant des accords d’approvisionnement en Amérique latine et en Afrique. Les exportations d’éoliennes ont bondi de 11,2 %, portées par la transition énergétique européenne.

Ce n’est pas simplement de l’activité industrielle — c’est une politique industrielle incarnée. Ce que les économistes appelaient jadis « choisir les gagnants » prend ici une nouvelle dimension, avec l’échelle, la patience et la précision d’un appareil d’État qui regarde 2035, et non seulement le troisième trimestre.

Quels sont les signaux sociaux les plus révélateurs ?

Mais au-delà des chiffres macroéconomiques, peut-être que le signal le plus fort se trouve ailleurs : l’emploi.

La Chine s’est engagée à créer 12 millions d’emplois urbains en 2025. À la fin juin, près de 6,5 millions avaient déjà été créés, selon le Bureau national des statistiques. Et cela compte. Dans un pays de 1,4 milliard d’habitants, une croissance qui ne touche pas les vies reste de l’arithmétique.

C’est pourquoi la décision de la Conférence centrale sur le travail économique de relever l’objectif de déficit budgétaire à 4 % — le plus élevé depuis la crise financière de 2008 — mérite l’attention. C’est un signal que Pékin est prêt à desserrer les cordons de la bourse quand les moyens de subsistance sont en jeu.

Les subventions pour les primo-accédants, les incitations ciblées aux PME et l’élargissement de la couverture sociale ne sont pas de simples ajustements technocratiques — ils expriment, en substance, une volonté : cette économie fonctionne mieux lorsqu’elle fonctionne pour les gens.

Les ventes au détail en juin ont progressé de 5,6 %, menées par les biens durables et les voyages. Le tourisme intérieur, durement touché pendant la pandémie, a rebondi à 92 % de son niveau de 2019. Les cieux de Xi’an et les plages de Sanya sont de nouveau pleins — non pas parce que l’État l’exige, mais parce que les ménages se sentent suffisamment stables pour bouger, dépenser, espérer.

Que signifie la performance chinoise pour le monde ?

L’Occident a longtemps mesuré la puissance par la vitesse : croissance du PIB, records boursiers, dépôts de brevets. La performance de la Chine en 2025 suggère qu’un autre indicateur est peut-être devenu plus pertinent : la résilience.

Ce n’est pas un modèle sans risques. Le secteur immobilier reste sous pression. Le chômage des jeunes — bien qu’en baisse par rapport à 2023 — reste proche de 14 %. Et la volatilité géopolitique demeure une variable persistante.

Mais la direction est claire.

Dans un monde en pleine fragmentation — entre inflation, guerre et désordre politique —, la trajectoire chinoise semble particulièrement délibérée. Elle n’est pas immunisée contre les chocs, mais mieux protégée. Elle ne court pas vers l’avenir, elle y marche avec intention.

Nous n’entrons peut-être pas dans une ère de blocs rigides, façon Guerre froide, mais dans une coexistence de systèmes parallèles — différents modèles évoluant sur un même terrain incertain. Dans ce contexte, le message chinois est limpide : la stabilité n’est pas la lenteur, et la retenue n’est pas la faiblesse.

C’est une stratégie.

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Imran Khalid est analyste géostratégique et chroniqueur en affaires internationales. Son travail a été largement publié par des organisations et publications de presse internationales prestigieuses.
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