L’UE appelle à la diplomatie pour empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire

Lailuma Sadid
Crédit: caliber.az

Face à la montée des tensions dans la région à la suite des échanges militaires entre Israël et l’Iran, l’Union européenne (UE) a réitéré que la diplomatie reste la seule voie durable pour empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. Les principaux responsables de l’UE ont transmis un message coordonné à Vienne les 13 et 14 juin 2025, mettant l’accent sur la retenue, le droit international et la coopération totale avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Contexte : Une Région au Bord du Gouffre

L’opération israélienne « Lion Ascendant » et la riposte iranienne

Le 13 juin, Israël a lancé une opération préventive – baptisée « Lion Ascendant » – visant des sites nucléaires et militaires iraniens, notamment à Natanz et Ispahan. Ces frappes auraient tué des scientifiques nucléaires de haut rang et des officiers des Gardiens de la Révolution, infligeant un revers important au programme nucléaire iranien. En riposte, l’Iran a tiré plus de 100 missiles et drones en direction du territoire israélien, intensifiant l’instabilité régionale.

Effondrement des pourparlers nucléaires à Oman

Un sixième cycle de négociations entre les États-Unis et l’Iran prévu à Mascate, Oman, a échoué après les frappes israéliennes. Le ministre iranien des Affaires étrangères a qualifié le climat diplomatique d’« injustifiable », creusant encore le fossé entre Téhéran et l’Occident.

Déclaration de l’UE à l’AIEA : La Diplomatie Avant Tout

Message central depuis Vienne

Dans une déclaration commune lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de l’AIEA, l’UE a souligné que la prévention de l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran est une priorité centrale en matière de sécurité. Elle a insisté sur le fait qu’une solution uniquement diplomatique et négociée peut garantir le caractère pacifique du programme nucléaire iranien.

L’UE a exhorté l’Iran à :

  • Éviter toute action provocatrice mettant en danger les civils ou pouvant entraîner des catastrophes radioactives.
  • Coopérer pleinement avec les missions de vérification de l’AIEA.
  • Revenir au respect du Plan d’action global commun (PAGC).
  • Ratifier le Protocole additionnel pour garantir une transparence accrue.

La déclaration a également critiqué la prolifération des missiles balistiques par l’Iran et appelé à un dialogue global incluant les questions nucléaires et balistiques.

Soutien au suivi de l’AIEA

Les responsables européens ont réaffirmé leur plein soutien au directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, soulignant le rôle essentiel de l’agence dans la surveillance et la vérification. Ils ont insisté sur la nécessité de garantir la sécurité des inspecteurs de l’AIEA malgré la montée des hostilités.

Inquiétudes Croissantes sur le Nucléaire

Enrichissement de l’uranium au-delà des besoins civils

Selon les derniers rapports de l’AIEA, l’Iran enrichit de l’uranium à 60 % – proche du seuil de qualité militaire. L’UE s’inquiète du fait que l’Iran produise désormais plus d’une « quantité significative » par mois, soit suffisamment pour développer plusieurs armes nucléaires si l’enrichissement se poursuit.

Sites souterrains et risque de militarisation

L’Iran a annoncé la construction d’un troisième site souterrain d’enrichissement dans la province de Semnan. Ce projet, qui ferait partie du « plan Kavir », viserait à produire de l’uranium à usage militaire dans des installations fortifiées et résistantes aux missiles.

Discours contradictoires des responsables iraniens

Alors que les dirigeants iraniens affirment que leurs objectifs nucléaires sont pacifiques, certains responsables radicaux et commandants des Gardiens de la Révolution ont tenu des propos laissant entendre que l’Iran possède les connaissances et les capacités pour fabriquer une arme nucléaire. L’UE juge ces déclarations dangereuses et contre-productives.

Réactions Politiques Européennes

Kaja Kallas, Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères

Kallas a qualifié la situation d’« extrêmement dangereuse » et appelé toutes les parties à la retenue. Elle a réaffirmé que seule la diplomatie peut empêcher une escalade nucléaire.

Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne

Von der Leyen a qualifié le conflit d’« profondément alarmant » et a renforcé l’appel de l’UE à la désescalade et à la reprise des efforts diplomatiques.

Réactions des États membres

  • Le Premier ministre britannique Keir Starmer a réaffirmé le droit d’Israël à se défendre, tout en avertissant que les actions militaires récentes pourraient accroître l’instabilité.
  • Le ministre français des Affaires étrangères a appelé à la retenue de toutes les parties et exprimé son inquiétude quant aux avancées nucléaires de l’Iran.
  • Le chancelier allemand et le Premier ministre néerlandais ont également souligné l’urgence d’une solution diplomatique.

Une déclaration conjointe antérieure UE-Royaume-Uni a exprimé de sérieuses préoccupations concernant le programme nucléaire iranien, les menaces régionales et la détention de citoyens européens.

Voies Diplomatiques Sous Pression

Résolution de l’AIEA et conséquences mondiales

Le 11 juin, les puissances occidentales ont soumis une résolution à l’AIEA déclarant l’Iran non conforme. Cette initiative pourrait entraîner des sanctions supplémentaires via le Conseil de sécurité des Nations Unies, bien qu’un tel pas risque d’éloigner encore plus Téhéran de la coopération.

Échec de la médiation à Oman

Les négociations secrètes menées par Oman entre les États-Unis et l’Iran ont été interrompues à la suite des frappes israéliennes. Mascate, qui a souvent servi de médiateur dans les discussions nucléaires, a appelé toutes les parties à reprendre les pourparlers, tout en reconnaissant que les conditions se sont rapidement dégradées.

Positions des grandes puissances

La Russie a proposé d’aider à réduire le stock d’uranium enrichi de l’Iran en facilitant son recyclage, tout en s’opposant à de nouvelles sanctions occidentales. De leur côté, l’Arabie saoudite, la Turquie, l’Égypte et la Jordanie appellent au calme et à un engagement diplomatique pour éviter un conflit élargi.

La Stratégie Diplomatique de l’UE

Sanctions ciblées et pression stratégique

L’UE maintient un régime de sanctions étendu couvrant la finance, le commerce, l’énergie et les produits à usage militaire. Les responsables européens ont déclaré qu’un retour complet au PAGC par l’Iran pourrait permettre un allègement partiel des sanctions, bien que cela semble de moins en moins probable.

Canaux diplomatiques à l’AIEA et au-delà

À l’AIEA, l’UE défend une approche équilibrée : dénoncer les manquements iraniens tout en insistant sur le maintien de voies diplomatiques. Elle appelle également à recourir au système onusien et au droit international pour restaurer la transparence.

Soutien à la médiation multilatérale

En complément des initiatives de l’AIEA, l’UE coordonne ses efforts avec Oman, le Qatar et les Nations Unies pour explorer de nouvelles plateformes de négociation. Des consultations régionales élargies avec les États du Golfe sont également à l’étude à Bruxelles.

Risques à Venir : Escalade ou Diplomatie

Escalade militaire

Israël a indiqué qu’il pourrait mener d’autres actions militaires si l’Iran poursuit ses frappes de représailles. L’Iran, de son côté, menace d’accélérer ses activités nucléaires en cas de nouvelles sanctions ou d’actions militaires occidentales.

Franchissement du seuil nucléaire

Des experts alertent que l’augmentation du stock d’uranium, la construction de sites souterrains et la rhétorique sur l’arme nucléaire sont autant de signaux indiquant que l’Iran pourrait franchir le seuil nucléaire dans les mois à venir, bouleversant profondément l’équilibre régional.

Effondrement des cadres diplomatiques

Avec les négociations sur le PAGC suspendues, le Protocole additionnel ignoré, et les canaux US-Iran brisés, de nombreux instruments diplomatiques essentiels sont aujourd’hui en péril. Les responsables européens préviennent qu’en l’absence d’une structure de négociation, des conséquences irréversibles sont à craindre.

Face à la montée des conflits et aux risques nucléaires, l’UE demeure un acteur essentiel en faveur de la diplomatie, du multilatéralisme et de la non-prolifération. Par ses déclarations à l’AIEA, ses consultations régionales et sa politique de sanctions fermes, elle cherche à éviter une dégradation supplémentaire de la sécurité régionale.

Mais la convergence entre les campagnes militaires israéliennes, les progrès nucléaires iraniens et le vide diplomatique représente un danger majeur. Sans coopération internationale rapide, le risque d’un Iran doté de l’arme nucléaire et d’un conflit régional généralisé pourrait devenir réalité.

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Lailuma Sadid est une ancienne diplomate à l'ambassade de la République Islamique d'Afghanistan auprès du Royaume de Belgique, en charge des affaires liées à l'OTAN. Elle a suivi des formations à l'OTAN et a été intervenante lors d'événements au siège de l'OTAN à Bruxelles, ainsi qu'aux Pays-Bas, en Allemagne, en Estonie et en Azerbaïdjan. Sadid a également été reporter politique pour l'agence de presse Pajhwok, couvrant la conférence de Londres en 2006 et le sommet de Lisbonne en 2010.
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