Les Européens doivent devenir immunisés contre les menaces hybrides

Tomáš Zdechovský MEP
Crédit: Alexander Zemlianichenko/AP

Aujourd’hui, aucune personne raisonnable ne peut nier que la politique agressive de la Russie représente une menace pour l’ensemble de l’Europe. Le régime de Poutine mène sa lutte non seulement avec des armes, mais aussi par le biais de mensonges et de manipulations. La Russie utilise ces tactiques même contre des pays européens avec lesquels elle n’est pas en guerre, cherchant à les affaiblir de l’intérieur. Sans surprise, la République tchèque fait partie de ses cibles.

Ce n’est pas nouveau. Déjà sous la Russie tsariste, le Kremlin diffusait des mensonges, une pratique poursuivie par l’Union soviétique tout au long de son existence.

Nouveaux temps, nouveaux mensonges

Les temps ont changé, tout comme les méthodes employées par la Russie pour propager ses mensonges. À travers des plateformes telles que META et Telegram, elle diffuse de la désinformation, divise nos sociétés et sape la confiance dans la démocratie. Elle utilise également contre nous des opérations psychologiques modernes.

Celles-ci sont devenues un outil clé dans la guerre hybride. Elles s’appuient sur la puissance des médias numériques, des algorithmes de manipulation des données, et des campagnes massives de désinformation. Les mêmes mensonges sont répétés jusqu’à ce que les gens finissent par y croire. Fake news, mèmes, vidéos émotionnelles et même deepfakes sont utilisés pour influencer la pensée et les émotions.

La guerre cognitive – une bataille pour les esprits

Ce type de guerre se manifeste de diverses façons, notamment par des ingérences dans les élections, comme aux États-Unis. En 2014, après l’annexion de la Crimée, la Russie a inondé les réseaux sociaux de messages visant à ternir l’image de l’Ukraine.

Elle a propagé des mensonges sur un prétendu génocide des populations russophones et fabriqué de faux témoignages de soldats ukrainiens capturés. Après l’invasion à grande échelle de 2022, la propagande russe a tenté de retourner les Européens contre les réfugiés ukrainiens, prétendant qu’ils bénéficiaient de trop d’avantages ou qu’ils commettaient des crimes.

On sait également que le Kremlin soutient des groupes extrémistes (comme le Rassemblement National en France ou l’AfD en Allemagne), des mouvements séparatistes (comme en Catalogne), et même des campagnes telles que le Brexit. La Russie est prête à utiliser toute personne ou tout outil susceptible de déstabiliser l’Europe.

Les effets de ces opérations comprennent l’aggravation des crises politiques et sociales, l’affaiblissement des institutions étatiques, l’encouragement des mouvements séparatistes, ainsi que la montée de l’extrémisme et du radicalisme au sein des populations.

Tout cela entraîne une déstabilisation durable et rend les sociétés plus vulnérables à la manipulation extérieure. Les méthodes ont changé, mais l’objectif reste le même : semer la confusion, l’insécurité et détruire la confiance dans la démocratie. Et ce n’est pas uniquement via les réseaux sociaux.

La Russie étend sa stratégie au-delà de l’Europe

Avec ce que l’on appelle la « désinformation humanitaire », la Russie cible également les populations en Afrique et en Amérique latine. Elle utilise une diplomatie humanitaire fictive pour diffuser l’idée que seule la Russie peut « sauver le monde » de l’impérialisme occidental, et que les missions humanitaires occidentales ne sont que des couvertures pour l’espionnage et le colonialisme.

Ces opérations psychologiques sont menées principalement via RT, Sputnik, Telegram, et des réseaux de blogueurs pro-russes.

Quel rôle pour les plateformes sociales ?

Si les entreprises technologiques n’appliquent pas strictement leurs propres règles, elles contribuent directement à la guerre hybride de Poutine contre l’Europe. META, par exemple, n’impose pas de manière rigoureuse ses règles, permettant à des comptes faux et anonymes de propager la désinformation et de manipuler le débat public.

Une application plus stricte des règles dans toute l’UE aiderait à créer un environnement en ligne plus transparent et responsable, tout en soutenant les efforts européens plus larges pour combattre la désinformation.

C’est pourquoi, avec d’autres membres du comité European Democracy Shield (EUDS), nous avons adressé une lettre à la vice-présidente de la Commission européenne, Henna Virkkunen, pour demander des mesures sérieuses contre cette menace.

Le combat pour la vérité

Mais pour se défendre contre les mensonges hostiles, il faut aller plus loin. Chaque pays européen devrait développer l’éducation aux médias et la pensée critique dès le plus jeune âge, afin de former des citoyens capables de résister aux manipulations en ligne.

Parce que la sécurité numérique et informationnelle dépasse les frontières nationales, une coopération internationale est également nécessaire. Nous devons élaborer ensemble des systèmes capables de détecter rapidement les menaces et de les neutraliser. Des stratégies claires doivent être mises en place pour reconnaître et contrer les menaces informationnelles et psychologiques.

C’est un combat pour la vérité. Si nous ne faisons rien, les citoyens perdront confiance dans l’information, les médias et la démocratie elle-même. Nous devons toujours garder en tête : si nous échouons à agir, nous laisserons le champ libre à la propagande russe — et nous ne devons surtout pas le permettre.

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Tomáš Zdechovský, député européen, est un homme politique tchèque, gestionnaire de crise et analyste des médias. Il est membre du KDU-CSL (Parti chrétien-démocrate) et, jusqu'en avril 2022, il a été vice-président du parti.
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