Le Gabon reste un pilier de l’influence française en Afrique malgré le coup d’État

Lesther Guillemin
Crédit: Ludovic Marin, AFP

Bruxelles (Brussels Morning Newspaper) – Alors que l’influence française s’efface peu à peu dans une grande partie de l’Afrique, le Gabon demeure une exception notable – un pays où les liens étroits avec Paris ont survécu un coup d’État en 2023 et des élections présidentielles en 2025.

Une relation diplomatique solide

Contrairement à d’autres anciennes colonies françaises qui ont rompu brusquement avec Paris avec fond de rancœur parfois, le nouveau président du Gabon, le général Brice Oligui Nguema, a emprunté une voie résolument différente. En qualifiant la France de « partenaire historique », il a maintenu un ton coopératif, préservant une relation diplomatique ancrée profondément dans les institutions et l’identité gabonaises.
Il est important de garder à l’esprit que dans ce pays de l’équateur la langue française n’est pas seulement celle des institutions – elle est aussi parlée par près des deux tiers de la population – a cela ce rajoutant un système éducatif reste calqué sur le modèle français, consolidant une affinité culturelle qui peut importe l’origine ne peut pas être nier.

Ces liens ne se limitent pas au symbolique – environ 10 000 ressortissants français résident au Gabon, principalement dans la capital Libreville, tandis que près de 30 000 Gabonais vivent en France. Cette circulation bilatérale a créé des connexions sociales, personnelles et économiques durables même durant les périodes de transition politique.

Le Gabon, diamant géopolitique de la France

Nulle part l’importance stratégique du Gabon n’est plus évidente que dans sa volonté de continuer à accueillir des troupes françaises – un privilège que peu de nations africaines accordent encore à l’ancien pays colonisateur. Tandis que la France a été poussée hors du Mali, du Burkina Faso ou de la République centrafricaine, sa présence à Libreville reste conséquente avec environ 350 soldats stationnés au camp militaire français « Camp De Gaulle ».
Cela dit, cette présence militaire française n’est pas celle d’autrefois – le rôle de la France s’est transformé en celle d’un formateur et d’un conseillée, les forces gabonaises occupant désormais le devant de la scène. Des exercices conjoints et des modules spécialisés – allant du combat urbain à la protection environnementale – ont remplacé les opérations militaires directes. La mission devient collaborative – davantage façonnée par le partenariat que par la hiérarchie.

Le renouvellement de l’accord de défense en 2023 a confirmé cette alliance pragmatique – mais le discours du général Nguema laisse entrevoir une évolution potentielle qui pourrait déplaire à Matignon et à l’Europe de façon plus générale. En effet, mars 2025, il déclare publiquement que le Gabon pourrait accueillir des troupes russes si Moscou en faisait la demande – signalant clairement que la France n’est plus l’unique interlocuteur d’un pays aux ambitions grandissantes. Paris ne commande plus d’une main de fer – elle doit désormais rivaliser avec la Russie et la Chine pour garder l’attention dans une Afrique devenue multipolaire.

Une amitié économique toujours solide

Malgré les mutations dans le domaine militaire, la France demeure le premier partenaire commercial du Gabon – et ce, avec une nette avance sur la compétition. En 2023, les exportations françaises vers le Gabon ont atteint 648 millions de dollars, tandis que les exportations gabonaises vers la France se sont élevées à 347 millions – dominées par le pétrole brut, le manganèse et les bois transformés.
Ce flux commercial sert non seulement les intérêts stratégiques de Paris – mais aussi l’emploi local et le développement d’infrastructures dans le pays africain. Plus de 110 entreprises françaises sont actives au Gabon, employant environ 14 000 personnes et générant un chiffre d’affaires estimé à 3,2 milliards d’euros – une empreinte économique que peu de pays peuvent égaler en Afrique centrale.

L’Agence française de développement (AFD) reste également un acteur central, finançant des projets allant des routes à la santé publique – avec des prêts et des soutiens budgétaires à hauteur de 225 millions d’euros accordé entre 2017 et 2020. En février 2025, un nouveau partenariat stratégique franco-gabonais axé sur l’énergie et l’industrie a été annoncé – preuve que le réalisme économique continue de cimenter les liens politiques de ces deux pays francophones.

L’avenir sous le général Brice Oligui Nguema

À la suite de sa victoire écrasante aux élections de 2025 – où il a recueilli 94,85 % des voix avec une participation avoisinant les 70 % – le général Nguema s’est imposé comme une figure centrale de l’après-Bongo.
Là où d’autres chefs militaires de l’espace francophone ont adopté une posture résolument hostile à Paris, Nguema a préféré une voie plus mesurée – fondée sur la flexibilité plutôt que sur les discours radicaux.

Il a délibérément évité les narratifs populistes anti-français de plus en plus populaires ces dernières années, insistant au contraire sur l’importance de « très bonnes relations » avec la France – une posture qui met en avant une approche unique du Gabon dans un contexte régional largement tourné vers la rupture.
Cependant, son ouverture affichée à des partenaires comme la Russie ou la Chine montre que la relation avec la France n’est plus acquise – elle évolue, se redéfinit, mais n’est pas encore totalement remise en cause. Dans cet entre-deux, le Gabon pourrait bien devenir un cas d’école – un test grandeur nature de la capacité de la France à s’adapter à un continent qui ne se contente plus des hiérarchies héritées du passé.

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Lesther Guillemin est un étudiant français de 22 ans, spécialisé en politique et en philosophie. Ayant vécu huit ans au Gabon, huit autres années au Liban, puis cinq ans en France, Lesther poursuit désormais ses études en Belgique. Il a déjà acquis une expérience professionnelle à travers des stages en ressources humaines et en organisation d’événements. Il a également participé activement à des compétitions politiques, notamment le concours national du Model European Union au Liban et la conférence internationale NHSMUN à New York. Passionné par la politique européenne et internationale, en particulier les questions de sécurité et de conflits, Lesther s'intéresse aussi à divers sports comme les échecs, la boxe, la Formule 1 et l’esport.
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