Le secteur industriel belge continue de faire face à d’importantes difficultés, avec une production industrielle en recul pour le cinquième mois d’affilée en avril 2025, selon les dernières données. Le déclin annuel de 1,0 % reflète une faiblesse persistante dans des secteurs clés tels que la fabrication, l’extraction minière et les services publics. Cette baisse continue soulève de sérieuses inquiétudes quant à la santé économique du pays, avec des répercussions sur l’emploi, la compétitivité et la stabilité industrielle à long terme.
Ces chiffres s’inscrivent dans un contexte européen plus large de contraction industrielle, mais l’ampleur et la durée du recul en Belgique laissent présager des problèmes structurels plus profonds.
Avril en un Coup d’Œil
Les données officielles révèlent plusieurs développements clés dans le paysage industriel belge :
- La production industrielle globale a diminué de 1,0 % sur un an en avril 2025.
- Le secteur manufacturier a chuté de 1,5 % par rapport à avril 2024, après une baisse de 2,8 % en mars.
- L’extraction minière a reculé de 1,0 %, une amélioration par rapport à la chute de 1,9 % en mars.
- La production d’électricité, de gaz, de vapeur et de climatisation a ralenti à 3,6 %, contre 6,2 % le mois précédent.
- En données corrigées des variations saisonnières, la production industrielle a augmenté de 0,2 % en avril, après une hausse de 2,0 % en mars.
Ces résultats contrastés suggèrent qu’en dépit de signes de stabilisation dans certains secteurs, la trajectoire globale reste négative.
Contexte Général – Une Récession Industrielle Plus Profonde
Trois Années de Déclin
La Belgique enregistre désormais trois années consécutives de recul de la production industrielle. La production a diminué de 1,4 % en 2024, dans la continuité des baisses observées en 2022 et 2023. Les analystes imputent en grande partie cette tendance aux difficultés persistantes de l’industrie automobile et aux inefficiences manufacturières générales.
La production de véhicules a connu l’un des reculs les plus marquants, chutant de 25,7 % en 2024. Des entreprises majeures comme Audi Brussels et Volvo Gand ont fortement réduit leur production, tandis que la faillite du constructeur de bus Van Hool a profondément ébranlé le secteur.
Défaillances Sectorielles
D’autres secteurs ont également subi de fortes contractions :
- La production électronique et TIC a plongé de 14,6 %.
- Les industries du meuble, du textile, des plastiques, du gaz et de la vapeur ont également enregistré des baisses marquées.
Quelques gains modestes dans les secteurs chimique et pharmaceutique ont apporté un léger amortisseur à ce déclin global.
Taux d’Utilisation des Capacités et Emploi
Des Usines Sous-Exploitées et des Emplois Fragiles
Le secteur manufacturier belge continue de tourner en dessous de ses capacités optimales. Selon des études récentes, le taux d’utilisation des capacités est resté entre 75 % et 77 % tout au long de 2023 et au début de 2024 — l’un des niveaux les plus bas enregistrés ces dernières années.
L’emploi industriel a fortement souffert. Entre le deuxième trimestre 2023 et le deuxième trimestre 2024, environ 10 000 emplois ont été perdus. Le secteur automobile à lui seul a enregistré une baisse de 12 % de ses effectifs. D’autres secteurs comme le textile (–6,6 %) et le bois-papier (–5 %) ont également signalé des réductions importantes.
Ces pertes ont été aggravées par des fermetures d’usines et des faillites, la disparition de Van Hool restant l’un des événements les plus destructeurs.
Pressions Globales
Le recul de la production industrielle en Belgique ne peut être isolé du contexte mondial. La flambée des prix de l’énergie et la hausse des coûts salariaux exercent une pression considérable sur les producteurs nationaux. Ces difficultés ne sont pas propres à la Belgique mais affectent l’ensemble de l’Union européenne.
En 2024, l’Allemagne et les Pays-Bas ont également vu leur production industrielle baisser, respectivement de 4,6 % et 1,8 %. La France a mieux résisté avec une baisse limitée à 0,3 %, mais la région reste confrontée à de puissants vents contraires.
Tendances Historiques et Volatilité Récente
Périodes de Rebond
Malgré la tendance baissière, la production industrielle belge a montré quelques signes de reprise temporaire. En janvier 2025, la production a progressé de 0,8 % sur un an, après une chute de 3,3 % en décembre 2024. Novembre 2024 avait également enregistré une hausse inattendue de 8,8 % sur un an, après une contraction de 6 % en octobre.
Ces variations reflètent une forte volatilité du secteur, alimentée par des mesures politiques temporaires, des pics de demande occasionnels et des fluctuations des matières premières. Néanmoins, elles n’ont pas suffi à inverser la tendance générale.
Impact Économique et Politique
Risques de Désindustrialisation
Les économistes avertissent que la Belgique court un risque réel de désindustrialisation à long terme si les tendances actuelles persistent. La perte de capacités industrielles pourrait entraîner une baisse de la productivité, une performance à l’export affaiblie et une réduction permanente des emplois qualifiés.
Des groupes de réflexion européens alertent également sur la perte de compétitivité de l’Europe face à des régions où les coûts énergétiques sont plus faibles et la réglementation moins contraignante. L’industrie belge, avec sa structure de coûts élevés, se trouve dans une position particulièrement vulnérable.
Pressions Commerciales et Énergétiques
Les coûts énergétiques constituent un problème central. Les industriels belges paient bien plus cher leur électricité et leur gaz que leurs concurrents internationaux. Cette disparité nuit gravement aux industries énergivores telles que la chimie, la sidérurgie et l’automobile.
La politique commerciale suscite également des inquiétudes. Les exportations belges sont menacées par la montée du protectionnisme, en particulier de la part des États-Unis, l’un des principaux partenaires commerciaux hors UE. D’éventuelles hausses de tarifs douaniers ou restrictions à l’importation pourraient encore aggraver la situation des secteurs déjà sous tension.
Prévisions Révisées à la Baisse
Plusieurs institutions financières ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance économique pour la Belgique. KBC Economics a abaissé sa projection de croissance du PIB pour 2025 de 1,0 % à 0,6 %, invoquant la stagnation industrielle persistante, une demande extérieure atone et des pressions constantes sur les coûts.
Les analystes estiment qu’en l’absence de réformes structurelles significatives, la situation ne devrait pas s’améliorer à moyen terme.
Témoignages du Terrain
La faillite de Van Hool en 2024 reste un sujet central dans les débats sur la politique industrielle. La fermeture de l’entreprise a entraîné des milliers de pertes d’emplois et désorganisé l’écosystème belge de production de véhicules de transport.
D’autres dirigeants industriels expriment également leurs inquiétudes. Bernard Delvaux, PDG du groupe Etex, a publiquement déclaré que la base industrielle belge est en danger. Il appelle à des mesures urgentes pour réduire les coûts et renforcer la compétitivité, faute de quoi les entreprises pourraient être contraintes de délocaliser leur production.
Perspectives à Venir
Équilibrer Risques et Opportunités
Il reste encore du temps pour agir. Les analystes recommandent plusieurs pistes :
- Réformer les marchés de l’énergie pour abaisser les tarifs industriels.
- Accorder des incitations fiscales et subventions aux secteurs manufacturiers à forte valeur ajoutée.
- Soutenir la recherche et l’innovation pour favoriser la production avancée.
- Développer des pôles industriels pour mutualiser les infrastructures et réduire les coûts logistiques.
De telles mesures nécessiteraient une coordination entre les niveaux fédéral, régional et européen.
Perspectives à Court Terme
À court terme, les perspectives restent incertaines. La hausse mensuelle de 0,2 % en avril représente un léger espoir, mais ne constitue pas encore un signal de reprise durable. Les améliorations observées dans les secteurs de la chimie et de certains biens d’équipement sont encourageantes, mais insuffisantes pour compenser les baisses ailleurs.
Résumé et Enseignements
La série de cinq mois consécutifs de baisse de la production industrielle en Belgique illustre des problèmes structurels profonds touchant l’ensemble de l’industrie manufacturière européenne. Les coûts énergétiques élevés, la rigidité du marché du travail, la concurrence mondiale et la faiblesse de la demande exercent une pression extrême sur la base industrielle belge.
Malgré quelques rebonds ponctuels, la tendance générale reste négative. Pour inverser cette dynamique, la Belgique devra mettre en œuvre des politiques agressives visant à restaurer la compétitivité, protéger les emplois et promouvoir l’innovation.
Sans une réponse politique rapide et décisive, la Belgique risque une désindustrialisation durable — un virage qui redéfinirait son paysage économique pour les décennies à venir.