Bruxelles a été le théâtre d’une des plus grandes manifestations de ces dernières années, alors que des dizaines de milliers de personnes ont formé une « ligne rouge » symbolique à travers la ville pour protester contre la guerre en cours à Gaza. Organisé par l’ONG belge 11.11.11 et soutenu par plus de 130 organisations de la société civile, le rassemblement a lancé un appel clair à un cessez-le-feu immédiat et à une action décisive de la part des gouvernements européens.
Vêtus de rouge, brandissant des drapeaux palestiniens, au son de musiques engagées et de témoignages venus de Gaza, les participants ont défilé de la gare de Bruxelles-Nord jusqu’au Quartier européen. Le message principal était sans équivoque : le coût humain de cette guerre a franchi toutes les limites morales.
Le concept de la « ligne rouge » et sa symbolique
La manifestation s’est articulée autour de l’idée de « ligne rouge » — à la fois au sens figuré et littéral. Les organisateurs et les manifestants portaient des vêtements ou des accessoires rouges pour illustrer la frontière morale franchie depuis longtemps à Gaza.
Des chaînes humaines ont délimité des axes-clés de la ville, illustrant visuellement cette ligne rouge. Il ne s’agissait pas seulement d’une marche, mais d’un message destiné à résonner au cœur des institutions européennes basées à Bruxelles : « ça suffit ».
Les organisateurs ont souligné que cette ligne rouge symbolique représentait le réveil tardif de l’Europe face à son inaction et son silence face au coût humain du conflit.
Une coalition de plus de 130 organisations
Menée par 11.11.11, plateforme belge pour la solidarité internationale, la mobilisation a réuni un large éventail d’acteurs, notamment :
- Des institutions culturelles comme l’Ancienne Belgique et BRONKS
- Des organisations de défense des droits humains
- Des artistes et musiciens
- Des syndicats et mouvements étudiants
Cette unité entre des secteurs variés a transmis un message fort : l’appel à la paix et à la justice en Palestine dépasse les clivages idéologiques, culturels et sociaux.
Parcours et participation
La manifestation a commencé officiellement à 14h à la gare de Bruxelles-Nord. Les manifestants ont ensuite marché jusqu’à la place Jean Rey, dans le Quartier européen, un lieu symbolique en raison de sa proximité avec les institutions de l’UE.
La mobilisation s’est conclue vers 17h avec des discours et des performances musicales. Les organisateurs estiment que la participation s’élève à plusieurs dizaines de milliers, faisant de cette action l’une des plus importantes de l’année en Belgique.
Un code de conduite strict mais inclusif a été appliqué. Les manifestants devaient :
- Porter du rouge en signe de protestation
- Brandir uniquement des drapeaux palestiniens
- Éviter tout symbole de partis politiques ou drapeaux nationaux
- Respecter des principes de non-violence, de respect et d’inclusivité
Discours et contributions culturelles
Des figures culturelles belges de premier plan ont pris part à la manifestation, dont :
- Le chanteur et auteur-compositeur Tamino
- Le rappeur Zwangere Guy
- Le musicien Koen Wauters
- L’actrice et militante Tine Embrechts
Des discours ont été prononcés par des activistes et leaders communautaires, juifs comme palestiniens, illustrant le caractère universel de l’appel humanitaire de l’événement.
L’autrice et militante Dalilla Hermans a prononcé un discours percutant sur la responsabilité européenne et la solidarité. Une vidéo préenregistrée depuis Gaza a également été diffusée, ajoutant une dimension poignante à la mobilisation.
Sécurité publique et encadrement policier
La police de Bruxelles-Capitale/Ixelles a encadré étroitement l’événement, en fermant plusieurs axes routiers le long du parcours. Elle a conseillé aux automobilistes d’éviter le centre-ville pendant la manifestation.
Les autorités ont coopéré avec les organisateurs pour garantir la sécurité et le respect de la loi. Aucun incident majeur n’a été signalé. Les personnes ne respectant pas les consignes sur les drapeaux ou les discours haineux ont été averties ou exclues de l’événement.
Un contexte européen et une dynamique croissante
Cette manifestation s’inscrit dans une série d’actions similaires à travers l’Europe. À La Haye, une mobilisation comparable a rassemblé plus de 100 000 personnes le mois dernier, réclamant la fin de la guerre à Gaza et une prise de responsabilité européenne.
En Belgique, il s’agit de la troisième manifestation majeure liée à Gaza cette année. Cette mobilisation soutenue reflète l’exaspération croissante face à l’inertie politique et aux doubles standards dans les réponses internationales aux conflits.
Opinion publique et réactions politiques
Un récent sondage national a révélé qu’environ 70 % des Belges sont favorables à des mesures européennes plus fermes contre Israël, incluant des sanctions et la révision d’accords commerciaux. Si le gouvernement d’Alexander De Croo a qualifié certaines actions israéliennes de « disproportionnées », les groupes de la société civile jugent ces déclarations insuffisantes.
Les organisateurs ont formulé des demandes précises :
- Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel
- Un embargo européen sur les armes destinées à Israël
- La suspension de l’accord d’association UE-Israël jusqu’au respect du droit humanitaire international
- La mise en place de corridors humanitaires vers Gaza
- L’ouverture d’enquêtes indépendantes sur les crimes de guerre présumés
L’Union européenne sous pression
La manifestation a été organisée stratégiquement avant le sommet de l’ONU sur la Palestine, prévu à New York le 17 juin. L’objectif : faire pression sur les dirigeants européens afin qu’ils prennent des mesures concrètes lors de ces discussions internationales.
La Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Kaja Kallas, a reconnu les pressions croissantes en faveur d’un réexamen des clauses sur les droits humains dans les accords avec Israël. Cependant, aucun calendrier ni sanction n’ont encore été annoncés.
Le Parlement européen est de plus en plus divisé sur la question. Certains députés demandent une action immédiate, d’autres prônent une « diplomatie équilibrée ». Pour les manifestants, cette position équivaut à une complicité dans les violations des droits humains.
Appels à la responsabilité et à l’examen juridique
Les ONG et groupes belges de défense des droits humains ont particulièrement ciblé l’accord d’association UE-Israël, qui prévoit des avantages commerciaux. L’article 2 de cet accord exige le respect des droits humains et des principes démocratiques — des conditions qui, selon les manifestants, sont aujourd’hui ouvertement bafouées.
Des juristes et organisations humanitaires ont appelé la Commission européenne à lancer une procédure officielle de révision de cet accord. À ce jour, aucune procédure n’a été engagée.
Les manifestants affirment que l’inaction de l’UE face à ces violations mine gravement sa crédibilité en tant que défenseur des droits humains à l’échelle mondiale.
Enjeux plus larges et actions à venir
Les organisateurs ont déclaré que cette manifestation n’était qu’un début. D’autres actions sont prévues, telles que :
- Des lettres adressées aux députés nationaux et européens
- Des veillées hebdomadaires et manifestations locales
- Des campagnes médiatiques menées par des artistes et écrivains
- Une journée d’action à l’échelle européenne prévue cet été
L’implication croissante du monde artistique et universitaire suggère que le mouvement dépasse la sphère politique pour s’ancrer dans les dimensions culturelles et morales.
La manifestation de dimanche à Bruxelles a dépassé le simple symbole. Elle fut un cri collectif, coordonné et chargé d’émotion adressé aux décideurs européens. Des dizaines de milliers de citoyens ont tracé une ligne rouge — littéralement et métaphoriquement — contre la guerre, l’injustice et l’inaction politique.
Leur message est clair : le silence n’est plus une option. La guerre à Gaza exige non seulement des condamnations, mais des mesures concrètes. Cette mobilisation à Bruxelles annonce une dynamique croissante qui vise à repenser l’engagement moral et politique de l’Europe dans cette crise — et ce n’est qu’un début.