L’Europe se trouve à la croisée des chemins politiques alors que commencent les négociations du nouveau budget pluriannuel. Les investissements dans la sécurité, la transition énergétique, le climat, la numérisation et la gestion migratoire sont inévitables. La question n’est plus de savoir si nous devons les faire, mais comment : collectivement, à l’échelle européenne, ou chacun dans son coin ?
Un petit budget européen, un grand impact
En Belgique, les dépenses publiques représentent 54,5 % du PIB. Cela signifie que pour chaque tranche de 100 euros générés, l’État en consacre 54,5 à la santé, l’éducation, les pensions, la sécurité et d’autres services publics. Dans ce contexte, le budget européen semble modeste : à peine 1 % du PIB cumulé des États membres. Autrement dit, l’UE dépense 57 fois moins que les gouvernements locaux, régionaux et nationaux réunis. Le total du budget européen équivaut à peu près aux dépenses sociales belges. C’est révélateur.
Le budget de l’UE s’élève à 192,8 milliards d’euros. Cela représente 428 euros par citoyen, soit environ 1,17 euro par jour — moins qu’une demi-pinte dans bien des cafés aujourd’hui. À titre de comparaison, un Américain contribue en moyenne à hauteur de 19 900 dollars par an au budget fédéral des États-Unis.
Un retour sur investissement impressionnant
Pour ces 428 euros annuels, les citoyens européens obtiennent beaucoup. Une étude récente a estimé que la valeur ajoutée de l’Union européenne atteint 6 700 euros par citoyen. Chaque euro investi en rapporte quinze en prospérité. Le rendement est considérable.
Mais que finance concrètement ce budget ?
- 66 milliards d’euros sont consacrés aux fonds de cohésion pour les régions moins développées.
- La seule province du Limbourg a reçu plus de 900 millions d’euros, ce qui a généré plus de 2 milliards d’investissements.
- 40 milliards vont à l’agriculture.
- 21 milliards à la recherche et à l’innovation.
- Le reste est réparti entre la numérisation, la politique sociale, la gestion migratoire, Erasmus et la sécurité.
Le tout géré par une administration européenne de seulement 60 000 fonctionnaires — soit 13 pour 100 000 habitants. À titre de comparaison : à Anvers, ce chiffre est de 1 300 pour 100 000. Le gouvernement fédéral américain emploie quant à lui 3 millions de personnes.
La coopération européenne, un levier sous-utilisé
Malgré ces résultats, il reste une importante marge de progression. Le manque de coopération européenne nous coûte cher. Selon le FMI, les obstacles commerciaux internes à l’UE reviennent à une taxe implicite de 45 % sur les biens et 110 % sur les services. Cela représente un manque à gagner estimé à 1 700 milliards d’euros par an — soit près de 3 800 euros par citoyen.
La défense est également concernée. Les États membres dépensent ensemble près de 400 milliards d’euros pour leur défense, mais de façon morcelée et inefficace. Une étude récente estime qu’une coopération à l’échelle européenne permettrait 22 % d’économies, soit 88 milliards d’euros par an — presque la moitié du budget de l’UE.
Comment investir sans alourdir la charge des citoyens ?
Les années à venir s’annoncent financièrement tendues. L’UE devra notamment rembourser les prêts du plan de relance post-COVID, à hauteur de 25 milliards d’euros par an. La question centrale est donc : comment investir dans notre avenir tout en respectant la discipline budgétaire, sans accroître la pression fiscale sur les citoyens ?
Les citoyens souhaitent maintenir les niveaux actuels de dépenses pour les fonds de cohésion ou l’agriculture. Pourtant, il faudra aussi investir davantage dans la défense, l’innovation, la migration ou la transition énergétique. Augmenter les contributions nationales est politiquement sensible, et créer de nouvelles taxes européennes reste un sujet de discorde.
Le trilemme européen
Nous faisons face à un véritable trilemme :
- Réduire les dépenses actuelles ?
- Demander plus aux États membres ?
- Créer de nouvelles ressources propres pour l’UE ?
Aucune de ces options n’est facile, mais ne rien faire n’est pas envisageable. Le monde n’attend pas que la « vieille Europe » trouve temps et argent pour ces investissements stratégiques.
La meilleure solution réside dans une meilleure efficacité. En approfondissant le marché intérieur et en abordant des enjeux fondamentaux — comme la sécurité ou la transition énergétique — à l’échelle européenne, nous pouvons alléger la facture pour chaque État.
Quelle est la vraie alternative ?
Soyons clairs : ceux qui refusent de débloquer des ressources européennes supplémentaires ne rejettent pas les investissements — ils disent simplement que chaque pays devra payer seul. C’est plus cher, moins efficace, et bien plus laborieux.
Ne mentons pas aux citoyens. En tant que société, nous investirons de toute façon dans notre sécurité, notre compétitivité, notre neutralité climatique et notre souveraineté énergétique. La seule vraie question est : allons-nous chacun de notre côté ou ferons-nous front commun ?
En tant qu’Européen convaincu, je crois à une réponse collective. Même les eurosceptiques devraient, a minima, reconnaître la logique budgétaire d’une telle approche. Des défis partagés appellent un financement partagé. C’est la seule voie viable.
Au moment de présenter le nouveau budget européen, n’oublions pas une chose :
Ceux qui tournent le dos à l’investissement européen en paieront seuls le prix. Et ce prix est plus élevé que celui de la solidarité.
Autrement dit : ce qui sert l’intérêt européen sert aussi, au final, le contribuable national.
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