Les États-Unis font pression pour boycotter la Conférence de l’ONU sur la Palestine

Sarhan Basem
Crédit: Reuters

La campagne diplomatique de Washington contre la conférence

Les États-Unis ont lancé une offensive diplomatique vigoureuse pour dissuader les pays de participer à la Conférence des Nations Unies sur la Palestine prévue du 17 au 20 juin à New York. Dans un câble diplomatique confidentiel envoyé à des dizaines de pays alliés et partenaires, Washington a appelé ces derniers à reconsidérer leur présence à l’événement, estimant qu’il pourrait compromettre des négociations sensibles en cours sur Gaza.

Selon de hauts responsables américains, la participation à cette conférence serait perçue comme un soutien à des initiatives unilatérales contre Israël, notamment la reconnaissance d’un État palestinien sans accord négocié. Le câble prévient que de telles initiatives pourraient entraver les discussions en cours sur un cessez-le-feu et les négociations pour la libération des otages menées par les États-Unis, l’Égypte et le Qatar.

La position de l’administration Biden reflète une crainte plus large : que les initiatives diplomatiques menées à l’ONU sans coordination avec Washington nuisent aux progrès fragiles réalisés au Moyen-Orient.

Objectifs de la conférence et préoccupations américaines

Une feuille de route plus large vers la solution à deux États

La conférence de l’ONU vise à rassembler des délégations de haut niveau, sous l’égide conjointe de la France et de l’Arabie saoudite. Ses objectifs affichés sont de définir une stratégie multilatérale pour la gouvernance de Gaza après la guerre, d’entamer des discussions sur le désarmement des groupes armés tels que le Hamas, d’obtenir la libération des otages et, à terme, de relancer le processus longtemps gelé de la solution à deux États.

La participation de la France attire particulièrement l’attention. Des rapports suggèrent que Paris envisage de reconnaître l’État palestinien, ce qui constituerait un tournant majeur pour une puissance occidentale. Les États-Unis considèrent une telle reconnaissance comme prématurée et potentiellement déstabilisante.

Message du Département d’État américain

Le câble diplomatique américain affirme que les pays soutenant des « actions anti-israéliennes » durant la conférence seront perçus comme agissant à l’encontre de la politique étrangère américaine. Selon un haut responsable américain, toute reconnaissance unilatérale de l’État palestinien « ajoute des obstacles juridiques et politiques importants » au processus de paix et pourrait renforcer le Hamas.

L’administration Biden insiste sur le fait qu’elle privilégie une solution négociée, et non des déclarations unilatérales. Le message se termine par un rappel sans équivoque : les États-Unis attendent de leurs alliés qu’ils évitent toute action susceptible de « faire dérailler la diplomatie discrète actuellement en cours ».

Des déclarations récentes d’envoyés américains ont précisé que Washington n’inclut plus la reconnaissance immédiate de l’État palestinien dans sa politique active. L’administration défend désormais une approche progressive, conditionnée à des réformes de l’Autorité palestinienne et à des garanties pour la sécurité d’Israël.

Israël soutient la position américaine

Israël salue ouvertement les efforts américains pour décourager la participation à la conférence de l’ONU. Sa délégation auprès des Nations Unies critique l’événement comme une tribune politique visant à délégitimer l’État israélien et à légitimer, selon ses termes, des groupes terroristes comme le Hamas.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a personnellement contacté plusieurs chefs d’État pour les inciter à boycotter l’événement. D’après des sources diplomatiques, Israël qualifie la conférence de « récompense au terrorisme » et de perturbation des négociations en cours pour un cessez-le-feu et la libération des otages.

Les responsables israéliens estiment que le calendrier de la conférence, au cœur d’une phase extrêmement sensible du conflit, nuit aux efforts de paix en cours et ne fait que renforcer les divisions internationales sur la question palestinienne.

Réactions internationales

Des alliés opposés à l’appel américain

L’appel américain au boycott n’a pas été unanimement accueilli. Plusieurs pays européens et du Moyen-Orient, y compris certains alliés proches de Washington, ont fait savoir qu’ils participeront à la conférence malgré les avertissements. La France, coorganisatrice de l’événement, considère que la réunion est essentielle pour créer un consensus international autour d’une feuille de route pour la paix et la reconstruction à Gaza.

L’Arabie saoudite a également réaffirmé son engagement en faveur de l’événement, le qualifiant d’occasion cruciale pour répondre à la souffrance palestinienne et poser les bases d’une stabilité régionale. En privé, certains diplomates européens ont décrit le message américain comme « excessif » et « contre-productif ».

Ils estiment que si la communauté internationale renonce à tout dialogue à l’ONU, les alternatives pacifiques risquent de s’effondrer, ne laissant que l’option militaire comme voie par défaut.

Contexte élargi à l’ONU

La conférence s’inscrit dans un contexte plus large au sein du système des Nations Unies, qui cherche à obtenir un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza. Parallèlement, l’Assemblée générale de l’ONU prépare un vote sur une résolution exigeant la fin inconditionnelle des hostilités, malgré l’opposition anticipée des États-Unis et d’Israël.

La colère mondiale face aux pertes civiles à Gaza continue de croître. Avec un bilan dépassant les 54 000 morts et des infrastructures en ruine, de nombreuses organisations humanitaires et agences de l’ONU appellent à une responsabilité internationale renforcée et à des avancées concrètes vers la paix.

De plus en plus de pays voient désormais la reconnaissance de l’État palestinien non pas comme une menace pour la paix, mais comme une étape nécessaire vers la justice et la résolution du conflit.

Enjeux diplomatiques

Des tensions avec les alliés

La campagne américaine contre la conférence pourrait tendre ses relations avec des alliés traditionnels. Les pays qui défient la pression risquent des répercussions diplomatiques, comme une coopération réduite ou un refroidissement des relations avec Washington.

Néanmoins, plusieurs gouvernements semblent prêts à assumer ce risque. Pour eux, l’impératif moral et humanitaire d’aborder la souffrance palestinienne l’emporte sur le coût politique d’un désaccord avec les États-Unis.

Ce décalage croissant reflète une mutation plus large : la capacité de Washington à imposer une ligne diplomatique commune sur le Moyen-Orient n’est plus acquise. Une approche multipolaire, portée par des coalitions incluant la France, la Ligue arabe et l’ONU, pourrait émerger comme alternative à l’hégémonie américaine.

La reconnaissance comme levier

La reconnaissance d’un État palestinien a gagné en traction ces derniers mois. Après la reconnaissance officielle par la Norvège, l’Irlande et l’Espagne en mai, d’autres pays comme la Belgique, le Luxembourg, Malte et la Slovénie ont signalé leur intention de suivre le mouvement.

La conférence de l’ONU pourrait servir de cadre symbolique et pratique à de telles démarches. Si d’autres pays reconnaissent la Palestine durant ou après la conférence, un effet domino pourrait s’enclencher, renforçant la légitimité diplomatique de la Palestine sur la scène mondiale.

Pour les États-Unis, cette évolution constitue un défi direct à leurs priorités stratégiques et à leur alliance historique avec Israël. Washington craint de perdre son rôle de médiateur central, au profit de négociations échappant à son influence.

Perspectives

La Conférence de l’ONU sur la Palestine doit débuter le 17 juin. Les observateurs s’attendent à une participation contrastée entre présences de haut niveau et absences stratégiques.

Le vote à l’Assemblée générale de l’ONU sur la résolution de cessez-le-feu, bien que non contraignant, pourrait accroître la pression sur Israël et ses alliés pour s’engager dans des pourparlers de paix.

Les efforts diplomatiques des États-Unis pour décourager la participation pourraient se poursuivre tout au long de la semaine, avec à la clé des critiques publiques ou des représailles politiques discrètes envers les pays participants.

Les pays qui reconnaîtront la Palestine durant ou après la conférence invoqueront sans doute la nécessité d’un horizon politique pour mettre fin à la violence et garantir une paix régionale durable.

Analyse d’experts

Des spécialistes des relations internationales estiment que l’approche actuelle des États-Unis reflète leur engagement de longue date envers Israël, mais aussi leur crainte de perdre le contrôle du processus diplomatique au Moyen-Orient. Selon certains critiques, en présentant l’engagement multilatéral comme hostile, Washington risque d’apparaître isolé ou déconnecté du sentiment mondial.

Un ancien diplomate américain a déclaré : « Si Washington s’obstine à vouloir façonner les pourparlers de paix uniquement selon ses propres termes, il risque de manquer l’occasion. Le monde change, et la question palestinienne aussi. »

À l’inverse, les partisans de la position de l’administration Biden estiment que la conférence de l’ONU est prématurée, politiquement biaisée et malvenue. Ils mettent en garde : récompenser une reconnaissance unilatérale sans réformes de l’Autorité palestinienne ni désarmement du Hamas compromettrait la stabilité régionale.

Une diplomatie à haut risque dans une région dévastée par le conflit

Alors que Gaza reste plongée dans la guerre et la catastrophe humanitaire, la conférence à venir sur la Palestine pourrait bien représenter l’une des dernières chances d’une réponse collective internationale. Tandis que les États-Unis présentent l’événement comme une menace pour la diplomatie, d’autres y voient justement l’incarnation de celle-ci.

La communauté internationale fait désormais face à un choix déterminant : s’aligner sur la position ferme de Washington ou s’engager dans un effort multilatéral en faveur de la paix, de la reconnaissance et de la reconstruction. Ce qui se jouera à New York pourrait façonner l’avenir du conflit israélo-palestinien pour les années à venir.

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Sarhan Basem est le correspondant principal de *Brussels Morning* au Parlement européen. Titulaire d'une licence en littérature anglaise, Sarhan apporte une combinaison unique de finesse linguistique et de capacité analytique à ses reportages. Spécialisé dans les affaires étrangères, les droits de l'homme, les libertés civiles et les questions de sécurité, il explore en profondeur les subtilités de la politique mondiale pour offrir des commentaires perspicaces et une couverture approfondie. En dehors du journalisme, Sarhan est un voyageur passionné, découvrant de nouvelles cultures et cuisines, et aime se détendre avec un bon livre ou profiter d'aventures en plein air dès que possible.
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